Il est 18H30, je monte dans un bus de la ligne 14A en direction du stade Toumba, l’antre du PAOK Salonique. Le bus est rempli de supporters grecs en ébullition. Il y a plus d’ambiance dans les 30 m² du véhicule que dans certains stades français... Ce soir, à Thessalonique, c’est Ligue des Champions.
Le PAOK est un club fondé en 1926 par des réfugiés de Constantinople. Il est l’un des trois seuls clubs grecs à n’avoir jamais connu la relégation depuis la création de la ligue en 1959. S’il entretient une rivalité locale avec l’Aris Salonique, celle qui anime les foules oppose le PAOK à l’Olympiakos. Club le plus supporté du nord de la Grèce, le PAOK est le seul club à mettre fin à l’hégémonie athénienne en remportant 2 des 6 derniers championnats nationaux, dont la dernière édition, en 2024. Son adversaire du soir, le Malmö FF, bien connu pour avoir lancé un certain Zlatan Ibrahimović en professionnel, est surtout le club suédois le plus titré de l’Histoire (23 championnats et 16 coupes nationales).
Après le 2-2 au match aller, le suspense est à son comble dans le Toumba Stadium. Bien que nous soyons début août, le stade est plein et la ferveur est absolument incroyable. Il est 20H30 et il fait 34 degrés. L’ambiance est indescriptible. Le stade est comme vivant. Il chante, il bouge, il crie. Les supporters se répondent de tribune en tribune. Chaque ballon récupéré ou repli défensif bien exécuté est applaudi comme un but. Il est de ces matchs qui vous font aimer le football.
La première mi-temps débute timidement. Dix minutes sans grand danger jusqu’à une touche anodine sur le côté droit de l’attaque suédoise. Le ballon est dévié et termine au second poteau comme une offrande pour un Sebastian Nanasi esseulé, qui crucifie le gardien grec. 1-0. Pourtant, pas un instant de flottement dans le stade. Les supporters grecs entonnent directement un nouveau chant et ne cesseront d’encourager leur équipe jusqu’à la dernière seconde. Les joueurs, eux, n’ont plus le choix. Il faut attaquer, marquer et passer devant au score pour se qualifier. Le match est serré. On ressent la tension créée par la possible élimination d’une défaite. Les joueurs du PAOK sont combatifs et positivement agressifs dans leur jeu. La bataille du milieu est remportée par le PAOK et un exceptionnel Mady Camara. À la 21’, le brésilien Taison égalise sur coup franc. À l’image du serbe Andrija Živković, le niveau technique est élevé. Peu de déchets. Les seules erreurs à noter sont des approximations dues à une fragilité défensive et des erreurs de jugement. Avant la mi-temps, le PAOK pousse et finit par prendre l’avantage d’une frappe extraordinaire du jeune défenseur Konstantinos Koulierakis à la 43’. On dit souvent qu’il faut faire particulièrement attention durant les 2/3 minutes suivant un but. Résultat : égalisation de Malmö à la 45’ et doublé pour Nanasi. On dit souvent qu’il faut faire particulièrement attention durant les 2/3 minutes suivant un but. Résultat : le PAOK reprend l’avantage grâce à une récupération de balle de Taison dans son propre camp puis à une finition tout en finesse de Živković. Le stade s’enflamme. Mi-temps : 3-2. Quinze minutes de pause. Le temps de reprendre ses esprits.
Dès l’entame de la deuxième période, Malmö prend la possession du ballon. Ou le PAOK la lui offre. C’est selon. Les Grecs restent agressifs et attendent patiemment la bonne occasion pour prendre le large et entrevoir la qualification. Cette deuxième mi-temps se joue au mental. L’équipe qui marquera le prochain but prendra l’ascendant psychologique. Les joueurs du PAOK, comme leurs supporters, continuent de faire preuve de combativité et de solidarité. En face, la domination de Malmö est stérile. Peu d’occasions sont à relever. Malgré l’enjeu, on ne voit pas de mauvais gestes. Les dernières minutes sont crispantes, mais le PAOK a maîtrisé son sujet et a dicté son rythme empêchant les adversaires de se montrer dangereux. Je range mon carnet. Il est temps de rentrer après une belle confrontation européenne. Il ne reste plus qu’un dernier coup de pied arrêté pour Malmö. Le ballon est tiré dans la surface. Un cafouillage s’en suit et, à l’ultime seconde de jeu, le jeune Nils Zatterstrom égalise ! 3-3. Je ressors mon carnet. Cette soirée sera magique.
L’entrée de Taha Ali a été prépondérante pour Malmö. C’est lui qui a obtenu le coup franc de la dernière chance pour les Suédois. C’est également lui qui ne cesse de provoquer, d’éliminer et de créer du danger durant les prolongations. Après son égalisation, Malmö a clairement pris l’ascendant sur son adversaire. Ce sont les Suédois qui poussent et marquent un quatrième but qui ressemble à un coup de massue pour les hôtes du soir. À la 108’, sur une superbe action collective, Malmö trouve la barre. Le PAOK n’y arrive plus. Groggy, ils parviennent tout de même à s’offrir une dernière occasion sur un retourné qui passe au-dessus des cages du portier de Malmö. La tension monte d’un cran. Les Grecs n’y croient plus et s’énervent. Un bien vilain tacle à la 120’ est à l’origine d’une échauffourée qui fait perdre les derniers espoirs au PAOK. Le coup de sifflet retentit. Malmö se qualifie pour les barrages !
Jusqu’à la 96’ minute de jeu, le PAOK méritait sa victoire et sa qualification. Mais un match se joue jusqu’à la fin des arrêts de jeu. Malmö a su inverser la tendance et obtenir une qualification dont ils se souviendront longtemps.
Il est très compliqué de ressortir un joueur du match après une telle rencontre. Durant les 90 premières minutes, on pourrait citer la domination de Camara dans l’entrejeu, la technique de Živković ou encore la combativité de Taison. Mais difficile de ne pas choisir un joueur d’une équipe qui a réalisé l’exploit de se qualifier sur les terres du champion grec. À Malmö, on peut retenir le doublé de Nanasi ou le but égalisateur à la 97’ de Zatterstrom. Sans eux, Malmö serait éliminé après les 90 minutes de jeu règlementaires. Mais si Malmö s’est qualifié, c’est grâce à l’entrée en jeu d’Ali. Il a été le facteur clé de la victoire. Il provoque le coup franc de la dernière chance puis va, presque à lui seul, emmener ses coéquipiers vers la victoire grâce à ses provocations constantes. Il a montré à tous que Malmö pouvait le faire. Techniquement et mentalement, il a fait basculer la rencontre.
Ce fut une incroyable soirée européenne. Les deux équipes méritaient leur qualification. Pourtant, au prochain tour, l’une tentera de rejoindre la phase de groupe de Ligue des Champions et l’autre celle de Ligue Europa. Le football est cruel. Mais que le football est beau.
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